En naviguant sur le site de la ville de Provins, j'ai
découvert qu'il était possible de participer
à un stage de fauconnerie d'une journée
dans la cité médiévale. Renseignements
pris, je m'y suis inscrite. Ce fut une journée
mémorable.
Le stage se déroule en deux demi-journées
: la matinée est consacrée à la
théorie, l'après-midi à la mise
en situation. La matinée, de 9h00 à 12h00,
a commencé par la visite d'un petit musée
où Damien, notre professeur, nous a présenté,
entre autres, des chaperons d'apparat ou non,
de tous pays, de toutes époques. Le chaperon
est une sorte de heaume, souvent en cuir, cousu "sur
mesure", destiné à masquer la vue
de l'Oiseau et le garder ainsi au calme. Certains chaperons
sont de véritables uvres d'art. Puis Damien
nous a fait un rapide historique de la fauconnerie et
nous a expliqué un certain nombre de termes.
Aigle royal
L'art de fauconnerie : affaiter les Oiseaux
La fauconnerie est l'art d'affaiter les Oiseaux de
chasse. Le terme affaiter pourrait s'apparenter au verbe
dresser, à quelques précisions près
: dresser un animal fait appel à la technique
dite parfois de la carotte et du bâton. Ici, pas
question de bâton, pas de coup, ni de punition
non plus, sous quelque forme que ce soit. L'Oiseau est
récompensé par de la nourriture, s'il
fait ce qu'on attend de lui. S'il ne le fait pas, il
ne reçoit pas de nourriture. Bien entendu, aucun
des Oiseaux présents sur le site n'est affamé.
Lorsque la récompense sous forme de nourriture
n'est pas donnée au moment où il travaille,
elle lui est fournie plus tard, une fois de retour dans
son enclos.
La quantité globale de nourriture quotidienne
est toujours respectée. Elle varie en fonction
d'un critère très important en fauconnerie
: le poids de vol. En effet, selon son poids,
le rapace modifie naturellement ses performances de
chasse (rapidité, adresse, réponse aux
sollicitations de son maître). Si le poids de
vol est trop élevé, l'animal est plus
paresseux. Il faut alors le rabaisser, c'est-à-dire
lui donner moins de nourriture pour qu'il retrouve un
poids de forme. Les rapaces sont pesés chaque
jour. Dans la nature, s'il n'en tient qu'à lui,
le rapace est capable de rester des jours entiers perché
sur une branche ou un piquet, à ne rien faire,
jusqu'à ce que la faim le tenaille et qu'il parte
en chasse. Les rapaces trouvent ainsi leur équilibre,
dans les conditions climatiques et environnementales
qui sont les leurs.
En captivité, pour ne pas leur faire perdre
leurs qualités anatomophysiologiques (musculature)
naturelles et comportementales (de chasse), ils sont
entraînés chaque jour à la chasse
au vol. Parfois, ils sont simplement sortis dans l'herbe
; cela s'appelle alors jardiner l'Oiseau.
Buse de Harris et Damien
La chasse au vol
Elle se divise en deux grandes catégories :
- La chasse ancestrale, dite traditionnelle,
qui se pratique avec une multitude d'Oiseaux choisis
en fonction du gibier à chasser, mais aussi de
l'environnement : l'Épervier est utilisé
pour la chasse aux Cailles en Tunisie, l'Aigle royal
pour chasser le renard au Kazakhstan, le Faucon sacré
pour la chasse à l'outarde dans le désert,
etc. L'art de cette chasse traditionnelle se transmet
de génération en génération.
- La chasse dite contemporaine, pratiquée
dans les pays où la chasse traditionnelle n'existe
pas de longue date. Là encore, elle se fera en
fonction du type de proie et de l'environnement climatique.
Aigle royal
Mais quelle que soit la catégorie, deux types
de chasse se distinguent, cette fois en fonction du
rapace utilisé :
- Le haut vol : il est caractérisé
par le fait que l'Oiseau monte à la verticale
du fauconnier, haut dans le ciel (parfois jusqu'à
1000 mètres), afin de repérer sa proie
et l'attaquer en piquée avec une vitesse pouvant
atteindre 300 km/h (Faucon pèlerin par exemple).
Placé ainsi, le rapace bénéficie
de l'effet de surprise et d'un angle d'attaque optimal.
Sa vitesse lui confère une puissance qui assomme,
voire tue net la proie. On utilise pour le haut vol
différentes espèces de Faucons (Faucons
pèlerins, sacrés, gerfauts, laniers
).
Les proies de l'Oiseau sont des proies à plumes
et nécessitent que le gibier soit déjà
en vol lors de l'attaque, sinon, la grande vitesse et
la proximité du sol ou d'obstacles mettraient
le rapace en danger. De plus ces rapaces, rapides et
agiles, présentent une particularité :
grâce à la forme particulière des
plumes de leurs ailes, pointues et non arrondies à
leurs extrémités (qui nous a été
montrée lors du stage), ces rapaces peuvent atteindre
une grande vitesse. Les rapaces utilisés sont
affaités à revenir sur un leurre. De ce
fait, ils se nomment Oiseaux de leurre (Faucons).
Par contre, la texture ouatée des plumes des
rapaces nocturnes rend le vol de ces derniers particulièrement
silencieux.
- Le bas vol : l'Oiseau est retenu sur le poing
du Fauconnier par les jets. Au départ
de la proie, le rapace s'élance à sa poursuite.
On utilise plus particulièrement différentes
catégories d'Aigles, d'autours, d'Éperviers
et de Buses. Ils chassent à une hauteur rarement
supérieure à celle des arbres. Ces Oiseaux
ont également les plumes des ailes courtes et
arrondies à leurs extrémités. Moins
rapides que les Faucons, leur queue importante leur
permet de brusques changements de direction. Ce chasseur
est affaité à revenir sur le poing ; il
se nomme Oiseau de poing. Les proies de la chasse en
bas vol sont plus diversifiées que celles du
haut vol et s'effectuent parfois au sol, comme par exemple
la chasse au chevreuil si l'on chasse avec un Aigle
royal.
Pygargue à tête blanche et Joëlle
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Buse variable (Hawk)
La fauconnerie utilisée pour l'effarouchement
La fauconnerie, si elle ne sert plus ou presque
à l'activité de chasse depuis l'avènement
des armes à feu, s'avère néanmoins
utile : après la seconde guerre mondiale et dans
le but de lutter contre le péril aviaire, les
rapaces ont commencé à être utilisés
pour l'effarouchement d'espèces pouvant être
à l'origine de nuisances (prédation, déprédation,
dangers pour l'homme). Il s'agit d'effaroucher, à
l'aide de rapaces, certaines espèces qui vont
alors se redéployer vers leur habitat d'origine,
en provoquant leur fuite. L'effarouchement des Goélands
ou autres Oiseaux stationnés sur les aérodromes
en est un exemple connu. Cette méthode s'applique
également aux Pigeons dont les fientes détériorent
les monuments historiques, aux Étourneaux sansonnets,
Corneilles, etc. Elle présente l'avantage d'associer
efficacité et respect de l'environnement. Le
choix des rapaces utilisés (Faucons, Buses de
Harris, Buses à queue rousse
) se fera en
fonction du site, mais surtout des espèces à
effaroucher.
Désormais, et dans tous les pays, la fauconnerie
est strictement réglementée dans la mesure
où pratiquement toutes les espèces d'Oiseaux
de proie utilisées pour la chasse, le loisir
ou l'effarouchement, sont protégées.
Faucon crècerelle (femelle)
L'élevage des rapaces et apprentissage
de la fauconnerie
Après cet historique, Damien nous a enseigné
les rudiments sur l'élevage, l'affaitage, l'entretien,
les soins dispensés aux divers rapaces présents
dans l'enclos de la cité médiévale.
Et pour terminer cette matinée entrecoupée
d'un café ou d'un thé, Damien nous a appris
à tenir un rapace sur le poing. Pour ce faire,
il faut prendre les jets de l'Oiseau et les maintenir
d'une façon précise et ferme. Les jets,
ce sont des petits liens de cuir qui servent à
retenir l'Oiseau sur le poing. Ces jets sont fixés
sur des compromis : pièces également
en cuir, fixés aux tarses de l'Oiseau ; à
chaque patte, un compromis et un jet, côté
lisse du cuir tourné vers la peau pour ne pas
blesser l'Oiseau. Le compromis quant à lui n'est
pas serré sur le tarse, afin de ne pas gêner
la circulation sanguine.
Nous avons mis en pratique notre apprentissage en cette
fin de matinée avec une Buse de Harris femelle
(appelée forme), prénommée
Gaïa, pesant environ 900 g (les mâles pèsent
environ un tiers de moins que celui des femelles, d'où
leur appellation de tiercelets) ; puis avec Orphée,
Buse de Harris également, plus disposée
à nous faire confiance, nous, pauvres amateurs
maladroits.
Buse de Harris
Après un déjeuner dans un restaurant
de la cité médiévale, nous sommes
retournés en stage, de 14h00 à 16h00,
cette fois pour faire notre première randonnée
rapace au poing. Quelle ne fut pas notre fierté
!! Nous étions accompagnés par Philippe
qui, le matin même, était occupé
à l'activité d'effarouchement sur le site
d'un grand centre commercial de Marne la Vallée.
Deux Buses de Harris nous avaient été
confiées : Orphée et un mâle prénommé
Hawk (une Buse par personne et nous n'étions
que deux stagiaires. Ce choix d'être en nombre
très restreint est intentionnel : il permet une
plus grande attention et participation des stagiaires).
Le but de cette randonnée n'était pas
la marche mais bien de nous promener alentours, de "lancer"
le rapace et le rattraper sur le poing. J'emploie le
terme de "lancer", mais un rapace n'est pas
un objet, un ballon
Il s'agit en fait d'un geste
du bras d'arrière vers l'avant, destiné
avant tout à indiquer au rapace la direction
qu'il doit prendre. Il ne s'agit en aucun cas de propulser
l'Oiseau dans les airs. Malheureusement, j'avais au
poing Orphée, qui avait déjà pris
un solide petit déjeuner le matin avec nous.
De plus, le moteur d'un tracteur à proximité
semblait l'apeurer et Orphée a vite refusé
de collaborer et de revenir sur mon poing, ou sur celui
de Philippe. Hawk, le mâle, s'est avéré,
lui, très coopérant et nous avons pris
un plaisir fou à randonner avec lui.
Buse de Harris et Joëlle
Après une promenade d'environ une heure et demi,
nous sommes rentrés à la cité où
nous avons travaillé cette fois
avec un
Aigle royal, puis un Pygargue à tête blanche
(appelé également Aigle pêcheur).
Nous étions encadrés par Philippe qui
introduisait les rapaces vers nous et Damien qui nous
aidait dans un premier temps à les réceptionner
sur notre poing, puis à leur donner la direction
à prendre. Ces rapaces (environ 6 kg pour l'Aigle
royal), ô combien plus lourds que les Buses de
Harris, fut une tâche plus difficile (pour moi),
mais restera à tous égards un plaisir
que je ne suis pas prête d'oublier.
Nous avons terminé cette journée en assistant
au beau spectacle de vol de rapaces divers et variés,
puis par une visite de l'enclos, avec prise de photos
dont je vous joints certaines. En visitant cet enclos,
nous nous sommes rendu compte que les Oiseaux étaient
en parfaite santé, en très bonne forme.
Ils n'étaient pas effrayés par notre présence,
bien au contraire, beaucoup d'entre eux nous appelaient
dès que nous entrions dans leur champ de vision,
comme s'ils attendaient qu'on les prenne et qu'on travaille
avec eux. Heureux et éveillés, aucun des
rapaces n'a jamais fugué plus de quelques heures.
C'est dire s'ils sont bien traités et amis de
l'homme.
Nous sommes rentrés avec des photos, des images
et des sensations plein la tête. Cette journée
fut exceptionnelle et pourquoi ne pas faire vous en
offrir une ou bien en faire cadeau à l'un de
vos proches ?
Je me dois de noter, enfin, que l'accueil qui nous
a été réservé, tant par
Damien que par Philippe, a été extrêmement
chaleureux et bienveillant, même face à
nos maladresses, nos questions naïves, nos hésitations...
Je tiens à les en remercier ici, en écrivant
ce petit article sous leur contrôle et avec leur
autorisation.
Joëlle LECLERE - avril 2009
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